Pesticides à tout prix : les maraîchers de Kimpese entre production et santé publique

2 months ago

À Kimpese, dans le Kongo central, les maraîchers comme Bruno Nzambani utilisent des pesticides de manière souvent abusive pour répondre à la demande croissante de légumes à Kinshasa. Dosages excessifs, délais de sécurité non respectés : ces pratiques, motivées par la quête de profits, mettent en péril la santé des consommateurs et des agriculteurs eux-mêmes. Dans un contexte où l’État congolais peine à réguler l’importation et la vente de ces produits, les conséquences sanitaires et environnementales sont alarmantes.

 Sur le terrain avec Bruno Nzambani

« Nous partons là où je cache mes produits que j’applique dans mes cultures », lance Bruno Nzambani, maraîcher de Kimpese. Il désigne fièrement un sac contenant un produit qu’il utilise fréquemment : le MPK 20,20, un pesticide puissant. « Ça sert à faire gonfler les tomates ou les aubergines pour qu’elles apparaissent belles aux yeux des clients », explique-t-il, sans cacher la motivation première : séduire les acheteurs de Kinshasa.

Cette pratique est courante dans la région. Les agriculteurs, parfois par ignorance ou par nécessité, utilisent des pesticides au-delà des dosages recommandés. Pour Bruno, c’est une stratégie de survie économique : « Si nous respectons les délais prescrits avant la récolte, nous risquons de perdre nos clients et nos revenus. »

L’ampleur de l’abus

Patrick Mayutuka, un autre agriculteur de Kimpese, confirme cette tendance : « Nous pulvérisons les produits aujourd’hui et nous vendons quelques heures plus tard, sans attendre les jours indiqués sur le catalogue. Nous savons que cela remplit les aliments de produits chimiques, mais nous n’avons pas le choix. »

Cette quête de rendement maximal a un prix élevé : la santé des consommateurs et celle des agriculteurs eux-mêmes. Patrick le reconnaît : « À la maison, nous mangeons aussi ces aliments. Les conséquences sont parfois invisibles, mais elles sont réelles. »

Les conséquences sanitaires

Les experts tirent la sonnette d’alarme : même une faible exposition aux pesticides peut entraîner des problèmes graves tels que l’infertilité masculine, des cancers ou encore des malformations fœtales. Certains pesticides sont si puissants qu’ils augmentent le risque d’avortements spontanés. Pourtant, leur vente reste peu contrôlée.

Bruno Nzambani, à la fois agriculteur et vendeur de produits chimiques, pointe du doigt l’inaction de l’État congolais : « Ces produits sont importés et vendus sans contrôle. Nous, on les utilise parce qu’ils sont accessibles, mais personne ne nous explique les dangers. »

Un appel à l’action

Face à cette situation, les maraîchers de Kimpese se retrouvent pris entre le marteau et l’enclume : répondre à la demande des marchés urbains tout en préservant leur santé et celle de leurs clients. Sans régulation stricte, ni sensibilisation, le cycle de l’abus se perpétue.

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Baron Nkoy

Baron Nkoy | Journaliste indépendant & Réalisateur documentaire engagé dans le développement économique et sécurité en RDC, Congo.

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